Yaya Coulibaly, le marionnettiste Malien : « J’ai dédié ma vie à la préservation de notre patrimoine »

Article : Yaya Coulibaly, le marionnettiste Malien : « J’ai dédié ma vie à la préservation de notre patrimoine »
Crédit: La page Facebook des Journées théâtrales de Carthage
7 décembre 2023

Yaya Coulibaly, le marionnettiste Malien : « J’ai dédié ma vie à la préservation de notre patrimoine »

Yaya Coulibaly, le marionnettiste Malien a été honoré pour son travail exceptionnel dans l’art théâtral, pour sa vision artistique et son engagement envers la préservation de l’art traditionnel lors de la cérémonie d’ouverture de la 24e édition des journées théâtrales de Carthage à Tunis, le 2 décembre dernier. Nous l’avons rencontré pour explorer sa vision envers la préservation de cet art traditionnel.

Vous avez été honoré pour votre travail et votre engagement envers la préservation de l’art de la marionnette. Que représente cette reconnaissance pour vous ?

Pour moi, recevoir cette reconnaissance lors des Journées Théâtrales de Carthage de mon vivant constitue une chance extraordinaire, une opportunité de réfléchir sur le sens de ma vie et de constater que j’ai vécu pour une cause. Parfois, face à une telle situation, il peut être difficile de trouver les mots justes. Je tiens à affirmer sincèrement que ce succès est le résultat d’un travail bien mérité. Cette réalisation revêt une importance capitale. Accorder des hommages de son vivant est une rareté, surtout lorsque je pense à la plupart des hommages rendus lors des journées théâtrales de Carthage, qui sont généralement à titre posthume.

Je considère que ce prix couronne un parcours marqué par la persévérance, l’assiduité, et symbolise également une récompense de l’espoir. Mon vœu le plus cher est que ce prix puisse unir les cœurs des jeunes Africains et valoriser l’âme des peuples du Sahel. Je souhaite mettre ce prix au service de nos gouvernements afin de contribuer à l’émergence de nos sociétés. Je le dédie à ma famille, à ma femme, à mes enfants, à l’ensemble du peuple malien, à tous les peuples africains, à toutes les nations du monde aspirant à la paix et à la justice.

Mon souhait le plus ardent est que ce prix serve de lueur d’espoir, où tous les enfants de la terre pourront s’asseoir, se regarder, se pardonner, et se donner la main dans un élan de solidarité. Chacun de nous peut contribuer au développement de notre univers. Que cette récompense serve d’exemple inspirant à la jeunesse, qu’elle puisse stimuler et ouvrir la voie à d’autres lauréats, car cela dépasse les frontières de l’Afrique et du monde arabe. Il s’agit d’un prix universel, porteur d’un message de paix et de justice pour l’humanité.

Quels ont été les défis les plus importants que vous avez rencontrés en tant que marionnettiste, et comment les avez-vous surmontés ?

J’ai dédié ma vie à la préservation de notre patrimoine, sacrifiant chaque instant pour contribuer à l’émergence de la diversité culturelle africaine dans toutes ses expressions. J’aurais pu choisir la voie de l’intellectualisme ou du bureaucratisme, des chemins plus conventionnels, mais j’ai délibérément refusé. Ces choix vont à l’encontre du véritable développement, selon moi.

Depuis ma tendre enfance, ma vision a été de m’investir pleinement pour valoriser notre héritage, pour célébrer ce que nous possédons en tant que peuple et les richesses que nous sommes en mesure de partager. Mon credo a toujours été le partage, à l’instar de l’or, du pétrole, du diamant, et d’autres ressources que l’on peut distribuer. Cependant, la seule possession véritablement unique que nous détenons est notre culture. C’est une culture ancestrale, originale, une source d’identification et d’émergence, une force qui a constamment propulsé nos peuples sur l’échiquier international.

La défense de ce patrimoine requiert des sacrifices considérables, et j’ai consenti à d’innombrables efforts en ce sens. Chaque épreuve sur cette route était un investissement en faveur de la préservation de notre identité culturelle. Ma conviction profonde est que ce patrimoine soit non seulement notre héritage, mais aussi le catalyseur de notre rayonnement mondial. Au prix de mille sacrifices, je m’engage à défendre cette cause, car notre culture mérite d’être célébrée, préservée et partagée avec le monde.

Quel est votre lien de base avec l’art de la marionnette ?

J’ai hérité de mon père la maîtrise du théâtre de marionnettes, une tradition familiale ancrée depuis le XIe siècle. Les marionnettes, c’est la victoire de la vie sur la mort. À travers elles, nous pouvons exprimer nos sentiments les plus vifs, les plus profonds. Au Mali, la marionnette est vénérée comme un être vivant. Lorsqu’elle est trop endommagée pour être réparée, elle a droit à des funérailles respectueuses. Chaque marionnette possède sa propre musique, sa danse, son chant, créant ainsi une diversité artistique empreinte de tradition et de symbolisme.

En quoi l’art de la marionnette peut-il être un moyen de renforcer le tissu social et culturel d’une société ?

En mai 2024, nous organiserons la première édition d’un festival extraordinaire, le Festival International Sogobo, qui se tiendra à Bamako. Je vous invite tous à y participer afin de mettre en lumière la place de l’art de la marionnette dans la résolution des conflits. À la fin de cet événement, chacun emportera une leçon sociale permettant d’éviter certaines erreurs. Le monde est fait de hauts et de bas, mais capitalisons sur la vie et célébrons-la ensemble. Empruntons ce qui est positif à gauche et à droite, unissons nos forces pour construire la vie. Les marionnettes sont constamment dirigées par des personnes ressources, celles qui possèdent une connaissance approfondie de l’histoire des entités et des codes de la vie. Si je devais refaire cette expérience, je m’y engagerais sans hésitation. C’est un acte de transmission, et nous devons nous atteler au travail avec acharnement. Un peuple qui ne souffre pas ne peut pas avoir d’histoire. Vive la culture universelle !

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